A la recherche du Gypaète

Publié le par Adrien


A la recherche du Gypaète


Vendredi 12 janvier, 9h30. Sac au dos, chaussures resserrées, et matériel en main, Carine Marfaing et Guy Lonca, guides-moniteurs du Parc national des Pyrénées, sont prêts pour une opération spéciale sur le massif du Leviste. Leur point relais:  "Ayrus", un lieu-dit situé près de Luz : "C'est de ce point que l'on cherchera à observer un couple de gypaète barbu, souligne Guy qui connaît bien le coin. Cela fait plusieurs années qu'on les suit mais on ne sait pas s'ils viennent dans la vallée pour chasser ou s'ils restent ici".  Une petite randonnée est néanmoins nécessaire pour arriver à bon port: entre feuilles mortes, petites cascades et paysage magnifique les voici à "Ayrus".  Par ce temps printanier, une dizaine de points-relais va donc guetter ce grand rapace tout au long de la journée: "Toutes les équipes sont situés autour du massif. L'opération s'étend de 10h à 16h, explique Carine. Le gypaète est quand même un des plus gros rapaces au monde avec 2,80 mètres d'envergure, il est tout de même surnommé "le briseur d'os". En effet, ce rapace se nourrit d'os, et lorsqu'ils sont trop gros il les prend et les casse contre les rochers: "Il est tout de même le dernier servi, car c'est un animal assez timide, qui n'est pas très rapide, ni très vif, continue-t-elle. On pense le voir surtout l'hiver. Comme il y a beaucoup plus de mortalité chez les animaux, les os sont plus nombreux." D'habitude, cette opération annuelle a lieu en mars mais avec la douceur des températures le Parc national des Pyrénées a décidé de la programmer plus tôt. Guy Lonca et Carine Marfaing ont la chance de travailler ensemble pour cette journée car tous les point-relais ne sont pas constitués en binome: " C'est vrai que lorsque ce sont de longues journées comme celle-là, on préfère être avec quelqu'un, souligne Carine. Le temps passe plus vite et il faut dire qu'avec Guy, on se complète assez bien."
En effet, la particularité du Parc national est qu'il a la chance de bénéficier d'une mutation entre deux générations: "Le parc a été créé en 1967 et la première génération de guide devait mettre en place le parc, souligne Guy. Elle s'occupait des sentiers, des indications, c'était essentiellement des gens du cru." Ce passage à témoin qui arrive à l'heure des quarante ans du Parc National des Pyrénées est une force selon Carine : "C'est vrai que le métier a changé par rapport à la première génération même si on a la même sensibilité vis à vis de la nature. Maintenant on a plus une approche scientifique, mais cette différence est une chance énorme pour tout le monde". Guy Lonca est un pyrénéen pur souche et il adore la nature: "J'ai commencé à travailler à la commission syndicale qui restaure les sentiers du Parc, je connais bien la région puisque je suis de Vistos. Puis, je suis rentré au Parc en 1990. C'est vrai que j'ai l'avantage de connaître le coin, et il vaut mieux un qui sait que trois qui cherchent " Un parcours atypique pour ce guide qui se considère comme l'un des "derniers mohicans". Arrivée en 2003, Carine Marfaing a toujours voulu travailler dans ce milieu : "J'ai fait le Parc du Mercantour, ce qui fut une excellente expérience. C'est une chance de travailler ici, et d'être en contact avec des gens intéressants et une si belle nature." La connaissance du terrain pour l'un, une connaissance plus accrue de la nature pour l'autre, voilà un binôme prêt à relever le défi: trouver le gypaète barbu. "Certes, on doit le trouver, remarque Carine. Mais on doit également noter, toutes les espèces que l'on voit afin de rassembler les infos sur le terrain". Munis d'une longue vue et d'une paire de jumelles, chacun cherche et scrute le ciel bleu à la recherche de volatiles : "Il se peut que l'on ne voit rien, note Guy. L'année dernière, on en a vu deux. Ils étaient morts". En tout cas, pour l'instant, il n'y a rien. Pas plus sur "Ayrus" qu'ailleurs. L'occasion pour Guy de parler un peu de la vallée et de ces différents cols. Carine, elle, regarde la montagne et entre en contact avec des collègues pour voir où ils en sont. Après l'heure du casse-croûte bien mérité, l'observation continue : "C'est le métier qui veut cela, répond Carine. Cela peut s'accélérer en un rien de temps, et on a de la chance qui fasse bon."
Depuis maintenant près de quatre heures, les guides n'ont rien vu. Quand soudain, un rapace fait son apparition et vole autour du Pic d'Aube. C'est l'heure pour Carine de se mettre à la longue vue : "Il n'y a pas de doute, c'est un aigle royal. Vu l'ampleur de ses ailes et comment il pique, cela ne peut-être qu'un aigle royal."Voilà quelque chose qui met un peu de "piquant" dans cette après-midi. Pas le temps de s'en remettre, un autre rapace survole la vallée, il est 14h06: "C'est le gypaète barbu, s'exclame Carine. Oui, c'est lui reprend Guy". Aussitôt dit, la communication reprend entre les deux compères. "Tu le prends aux jumelles, je relâche dit Carine à son collègue. Vas-y je le suis!". Carine prend note: " C'est donc un gypaète barbu adulte puisqu'il a le poitrail orange". Le gypaète traverse la vallée. Il se dirige vers le col de l'Ardiden, Guy Lonca en déduit : "C"est certainement celui des Coterets. Il est venu ici pour chasser."Pendant ce temps, Carine Marfaing note tout sur un papier, afin de garder une tracabilité du suivi. Le rapace a donc disparu à 14h22.
Mais l'équipe ne s'arrête pas là. Certes, ils ont pu suivre le gypaète : "mais il faut noter tout rapace que l'on pourrait voir jusque 16h." Il ne se passera pas grand chose jusque la fin de l'observation, l'équipe est soulagé et satisfaite d'avoir suivi le gypaète : "On peut dire que c'est une journée positive, puisque un autre point relais a aperçu un gypaète de l'autre côté du massif " conclut Guy Lonca. Il est maintenant 16h. Le soleil se couche derrière la montagne, et le froid est saisissant. Le temps est venu de plier le matériel et d'admirer une dernière fois le paysage. Une dernière petite balade pour décompresser de cette journée, et ces guides aux deux générations, rentreront satisfaits à la maison de la vallée.

Adrien Justine

Publié dans portrait

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